Je vous avais déjà révélé ici mon amour pour ce cher Marcello Mastroianni mais aussi pour cet autre grand acteur italien cher à mon cœur : j’ai nommé Vittorio Gassman. Découvert, comme son concitoyen, en visionnant les cassettes vidéo paternelles, aux alentours de dix ans, j’ai eu un coup de foudre pour cet acteur dont le pays et la langue me plaisaient déjà. En fait je l’ai connu grâce à un film avec Al Pacino (encore un que j’apprécie beaucoup…), remake du « Profumo di donna » de 1974 dans lequel jouait Gassman.
L’évocation des comédies italiennes, sur le blog de Fashion, la semaine passée, m’a remis en mémoire « Le fanfaron », de son titre original « Il sorpasso », film de 1962 du grand Dino Risi avec ce cher Vittorio! Je dois avouer que le seul souvenir que j’avais conservé de ce film était la mélodie truculente et audacieuse du klaxon de la Lancia du film… une mélodie qui me donne envie de courir chez un garagiste pour installer la même sur ma voiture ^^
Ni une ni deux, j’ai voulu le revoir le soir même et j’ai été de nouveau séduite par cette comédie à l’italienne pourtant tragique.
La rencontre d’un étudiant en droit, bourgeois et d’une timidité maladive, Roberto Mariani (Jean-Louis Trintignant) et d’un séducteur d’une quarantaine d’année, extraverti, grossier, bon vivant et opportuniste, Bruno Cortona (Vittorio Gassman), un 15 août, dans une Rome déserte. À peine font-ils connaissance (Bruno avait besoin de passer un appel, les cabines publiques étant fermées) que l’innocent Roberto est embarqué pour un road trip, à vive allure, au volant de la Lancia de Bruno. La Lancia, un personnage à part entière auquel le titre original fait référence puisqu’il signifie « Le dépassement ». Quant au klaxon de celle-ci, dont abuse avec jubilation Bruno, lui aussi marque de sa mélodie péninsulaire ce grand film!
Cette œuvre c’est avant tout le regard que porte Dino Risi sur les Trente Glorieuses à l’italienne. Sorti du fascisme et de la guerre, son pays découvre les vacances, le consumérisme, l’urbanisme effréné (lors d’une scène d’ouverture étrange, nous découvrons une Rome déserte, de grands immeubles bourgeois, une vision moderne et inhabituelle de l’Italie), le culte de l’apparence et des plaisirs. Dino Risi critique cet état de fait et l’incarne dans le personnage de Bruno. Au cours de ce voyage, celui-ci, charmeur, vante donc la dolce vita de ses concitoyens que l’on voit toujours en train de danser, boire ou fréquenter les plages. Ce week-end du 15 août renforce l’étrangeté de ce voyage improvisé, comme un temps hors du temps, ralenti, sauf pour Roberto et Bruno : l’un trop lent, intéressé par ses études et son amour platonique et l’autre (bien) trop rapide au volant de sa Lancia!
Malgré leurs différences ainsi que le mépris de Bruno pour le sérieux de Roberto (à l’image du mépris de la génération consumériste pour les valeurs d’antan) et la méfiance de celui-ci face à la spontanéité du beau parleur, ils deviennent inséparables et l’étudiant cesse de vouloir rentrer chez lui et commence même à apprécier ce style de vie. Il lui dit même « Ho passato con te i due giorni più belli della mia vita. » (j’ai passé avec toi les deux plus beaux jours de ma vie) Pourtant, l’existence du fanfaron est finalement peu enviable. Bien qu’affichant une mine toujours réjouie et des grands airs, on perçoit à quelques occasions sa solitude, une certaine tristesse même. Cette sensation renforce l’impression tragique qui croît au cours du film, comme si une poussière allait enrayer cette belle virée…
Ce film est pour moi un vrai petit bijou du cinéma italien, un chef d’œuvre même car il a saisi l’essence d’une époque (les passages de twist aident beaucoup) tout en nous présentant l’Italie d’avant, celle incarnée par l’oncle et la tante de Roberto. Et puis je dois dire que la grossièreté, le sans-gêne de Bruno sont jubilatoires. Ainsi, quand il rencontre le jeune étudiant il désigne une photo et dit :
«Chi è questa cicciona? » Et Roberto de répondre : « Mia mamma » Là on se dit « oups » sauf que le fanfaron ne s’excuse pas et ajoute « Bella donna » (Qui est cette grassouillette? —Ma maman. — Belle femme).
Des moments comme ceux-ci émaillent le film (je repense en riant à la scène avec un cycliste, des toilettes pour dames ou la récurrence de la « zuppa di pesce »), pour notre plus grande joie, sans parler du fameux klaxon que j’adore vraiment. Et puis Vittorio Gassman est parfait dans ce rôle, le charme, les gestes si italiens, si expressifs, si exubérants! Enfin, Trintignant incarne à merveille le doux candide qui vit là un voyage initiatique en compagnie d’un Bruno qui lui ouvre souvent les yeux sur les choses de la vie, son enfance, ses envies.
Bref, un très grand moment de cinéma, une soirée savoureuse que je vous conseille. Bientôt un nouveau billet pour poursuivre ce cycle !
Je vous laisse donc avec la bande-annonce de l’époque (oui c’est assez sommaire par rapport à maintenant mais au moins cela n’en montre pas trop) et la scène du début.
Enfin, pour ceux qui peuvent regarder le film en vo, on le trouve aussi sur YouTube, en plusieurs parties.
Et en écrivant ce billet j’ai réalisé qu’il entrait dans le cadre du fameux de Nane.
Parfum de femme et Belfegor le Magnifique. Deux superbes films et il était si beau !
RépondreSupprimerSyl. > en effet, c'est d'ailleurs "Parfum de femme" (Profumo di donna),que j'évoque au début de mon billet, quant à l'autre je ne le connais pas, il va falloir que je le déniche! Merci :)
RépondreSupprimer"il sorpasso" est un vrai bonheur, le couple Gassmann Trintignant est remarquable,j'ai eu la chance de pouvoir le revoir sur grand écran l'été dernier...on ne se lasse pas de ce duo où Vicotrio Gassmann campe un personnage plus complexe qu'il n'y parait il convient de ne pas le limiter à sa vulgarité apparente, il porte souvent un regard d'une grande acuité sur ceux qui l'entourent,et où Trintignant peut finir par agacer par son manque de caractère qui le rend trop malléable
RépondreSupprimerCe Dino Risi et un sommet de la comédie italienne, a voir absolument, je suis d'accord avec votre jugment!
Carmadou > oui oui, je n'en ai pas parlé mais il est vrai Bruno est très perspicace, notamment en allant dans la famille de Roberto. Quant à ce dernier oui parfois on a envie de lui dire "réagis" ^^
RépondreSupprimerMerci pour votre avis fort intéressant et bienvenue ici :)
Je ne connais pas très bien le cinéma italien et je découvre ce film avec ton article!... Je sens que je vais essayer de me le dénicher vite fait!... J'adore les films qui se passent à cette époque... Et puis tu en parles si bien, on sent ta passion dans tes mots... Je n'avais jamais vu Vittorio Gassman jeune en plus!... Qu'est-ce qu'il était bel homme dis donc!... Merci à toi pour cette découverte! ;-)
RépondreSupprimerEvilys > J'espère que tu le trouveras vite!
RépondreSupprimerquel éloge pour ce film ! tu donnes réellement envie de le regarder ! merci pour ce billet passionné et passionnant !!!
RépondreSupprimerNane > je suis ravie qu'il te plaise tant! :D
RépondreSupprimerSplendide réalisation et quelle direction d'acteurs. Un pur bonheur.
RépondreSupprimerWens > Ô que oui!
RépondreSupprimerMagnifique Gassman, un des road movie, qui aura influencé toute une génération !
RépondreSupprimerTietie007 > un film marquant, en effet!
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