Il est des récits qui, dès les premières lignes, savent conquérir le lecteur. Compartiments pour dames en fait partie!
Voilà donc Akila. Quarante-cinq ans. Sans lunettes à verres roses. Sans mari, ni enfants, ni foyer, ni famille. Rêvant d’évasion et d’espace. Avide de vie et d’expérience. Brûlant d’aller à la rencontre des autres.
(p.11, ces lignes avaient fini de me conquérir!)
Akhila, quarante-cinq ans et célibataire, a pris soin de sa famille (sa mère, ses frères et sa sœur tous plus jeunes qu’elle) à la mort de son père, alors qu’elle n’avait pas vingt ans. Au fil des ans elle s’est endurcie et n’a jamais vécu pour elle… jusqu’à ce que, n’en pouvant plus de vivre sous le regard toujours accusateur de sa sœur, elle décide, sur un coup de tête, de prendre le train.
Dans le compartiment pour dames dans lequel elle se retrouve elle rencontre cinq autres femmes qui incarnent toutes les facettes des femmes indiennes. Une rencontre décisive pour Akhilandeswari (comme personne ne l’appelle plus) qui, en écoutant les confidences de ces autres femmes, va enfin essayer de se retrouver, se respecter, s’écouter et vivre la vie dont elle rêve.
Ma découverte d’Anita Nair est un coup de cœur ! Une lecture complémentaire et tout aussi savoureuse que Mes sacrées tantes. Voire plus car ici Anita Nair nous présente l’Inde actuelle où les femmes, bien que toujours compartimentées dans une case définie par la tradition aspirent, pour la plupart, à s’affirmer, s’émanciper et être les femmes qu’elles souhaitent vraiment. Car oui, le compartiment pour dames vise à les protéger, leur définir un espace propre mais, au final, n’est-ce point plutôt un espace réducteur voire emprisonnant ? Comme le dit si justement Karpagam , une amie d’enfance qu’Akhila croise par hasard :
De mon point de vue, il est naturel qu’une femme veuille paraître féminine. Et cela n’a rien à voir avec le fait qu’elle soit mariée ou que son mari soit vivant ou mort. Qui a décidé de ces lois? Un homme qui ne supportait pas l’idée que s’il mourait, sa femme continuerait de plaire à d’autres hommes. (p.327)
Et là tout le propos du livre se trouve magnifiquement résumé ! Écho aussi à ce qu’avait dit la grand-mère de la plus jeune des passagères qui lui conseille de se plaire, de se faire belle pour elle-même et non pour un homme.Voilà à quoi devraient avoir droits les femmes selon Anita Nair. Je ne peux qu’être d’accord et applaudir. Comme j’ai applaudi en lisant :
Prabha Devi décida qu’elle allait apprendre à nager toute seule. Personne ne lui avait expliqué comment accueillir son mari en elle. Ni montré comment allaiter ses enfants. C’est l’instinct qui avait fait son travail. Il lui faudrait simplement faire à nouveau confiance à cet instinct. Après tout, elle avait bien passé neuf mois à nager dans l’utérus de sa mère. (p.305)
Ce livre a beau être un roman, par la forme des récits multiples cela pourrait presque être un recueil de nouvelles, genre auquel s’est également essayé Anita Nair. J’ai été très sensible à la poésie de ce livre, notamment l’art de nous décrire sens, odeurs et saveurs qui m’a séduite dès les deux premières pages :
Le jasmin enroulé dans des chevelures, la sueur et la brillantine, le talc et la nourriture rance, les sacs de jute humides et l’odeur verte des paniers de bambou fraîchement tressés. (p.9)
et pour la poésie pure :
Rien ne bouge sauf le train. La lune, accrochée à son épaule, l’accompagne. (p.10)
Moi qui aime beaucoup cuisiner en m’inspirant des plats et saveurs indiennes je dois dire que pendant toute ma lecture et même depuis j’en ai encore plus envie que d’habitude, Anita Nair m’ayant régalé les papilles…
J’ai également été touchée, sensible à certaines histoires. J’ai été conquise par celle de Margaret, professeur de chimie. Dès les premières lignes j’ai su que je l’adorerais! Cette poésie des mots, cette métaphore de l’amour et autres sentiments comme des éléments chimiques et, surtout, l’intelligence et le savoir-faire de cette femme m’ont épatés !
L’amour et un liquide incolore et volatil. L’amour enflamme et brûle. L’amour ne laisse aucun résidu : ni fumée, ni cendres. L’amour est un poison déguisé en esprit-de-vin. (p.171)
Ensuite, celle de Prabha Devi, quelle femme ! Elle a su se retrouver et avoir le courage de se lancer dans la vie, dans ses rêves. Enfin, bien sûr, Akhila m’a beaucoup touchée, notamment quand on constate sa vie avant le décès de son père, son histoire d’amour ou quand, une fois sa liberté gagnée, sa sœur la replace, de manière cruellement inattendue, sous le joug familial. À maintes reprises des phrases sur la place de la femme « traditionnelle » choquent, indignent, révoltent mais le ton de ce roman est résolument optimiste finalement !
Bref, je suis plus que ravie d’avoir découvert cet auteur et d’avoir une vision plus moderne de la condition féminine en Inde. Les femmes y sont encore à un croisement : elles peuvent prendre plus de libertés toutefois, le poids des traditions reste écrasant pour la grande majorité d’entre elles !
Je compte bien lire d’autres œuvres d’Anita Nair très vite ! J’espère qu’il en sera de même pour mes compagnes de lecture commune ! J’ai en effet partagé cette découverte (prévue pour le 8 puis pour hier) avec Manu, Soukee, Malo, Hilde et Sharon.
Une lecture qui rentre, un peu en retard, dans le cadre du Mewar Festival d'Udaipur (challenge de Hilde et Soukee) qui avait lieu du 6 au 8 avril.
Compartiment pour dames – Anita Nair
Picquier poche – 443 pages - 2004
La couverture ne me plaisait pas mais si vous vous y mettez toutes pour dire que c'est un superbe livre, va falloir que je le lise ! :P
RépondreSupprimerJe suis contente de voir que tu as autant aimé que moi ou que les copines. Ce roman est un pur bijou, un concentré de poésie et de délicatesse. Je viens d'être conquise par l'auteur et, je viens d'ailleurs de m'acheter un autre de ces roman "un homme meilleur", que je ne tarderai pas à lire, je pense. Encore merci pour cette lecture commune. Bisous
RépondreSupprimerJ'avais beaucoup aimé cette lecture lors du blogoclub!
RépondreSupprimerc'est un livre qui depuis longtemps fait partie d'une de mes PAL.Ton enthousiasme va me le faire remonter! as tu lu "la maitresse des épices"?
RépondreSupprimerhttp://lemelimelodepyrostha.over-blog.com/article-la-maitresse-des-epices-de-c-divakaruni-50989125.html
j'avais eu un gros coup de coeur pour celui là.
Repéré, noté depuis très longtemsp. mais là, on ne peut y échapper! ^_^
RépondreSupprimerJe suis contente que ce roman ait fait l'unanimité parmis nous ! C'est une belle découverte...
RépondreSupprimerJ'ai rajouté ton billet au récap' du challenge, merci de ta participation !
J'aime beaucoup ton billet !
RépondreSupprimerLes propos de la grand-mère de Sheela ou de l'amie d'Akhila sont très justes.
Pas le choix, après un tel billet, de le prévoir dans une lecture proche.
RépondreSupprimerLe Papou
je viens de lire l'avis très positif de chaplum, je note donc ce livre ;)
RépondreSupprimerJe veux ce livre dans ma PAL car je ne lis que des avis qui me font saliver et en plus cette auteure, je ne la connais pas donc il faut que je la découvre !!
RépondreSupprimerAnne (De poche en poche)
Tu sais transmettre ton goût pour cette lecture, je note donc dans ma liste de livres à lire !
RépondreSupprimerLeiloona > ah oui lis-le sans tarder!
RépondreSupprimerMalo > tes mots sont si justes... merci à toi aussi ;)Comme toi, ainsi que je l'ai écrit dans mon billet, je compte en lire d'autres!
Mirontaine > encore une conquise donc ^^
Pyrausta > oui je l'ai connu via un billet de Nane qui l'avait chaudement recommandé
Keisha > en effet, tu n'as plus aucune excuse pour le faire patienter dans ta pile! ;P
Soukee > merci à toi et en effet j'ai remarqué que nous avons toutes été enthousiasmées et séduites!
Sharon > mille mercis :D
Le Papou > c'est déjà un poche!
Niki > tu fais bien!
Gwen > merci pour ce beau compliment, je suis heureuse si mon billet t'a donné envie de le lire!
Je l'ai noté, il y a fort fort longtemps... et il y a justement fort fort longtemps que je n'ai pas lu un roman indien! Je te conseille aussi : "Le dieu des petites riens" d'A ROY et "La chambre des parfums" de BADHWAR, deux romans symboliques de l'Inde changeante...
RépondreSupprimerTu parles très bien de ce livre, avec beaucoup de conviction. Le sujet me plaît beaucoup.
RépondreSupprimerNymphette > merci pour les recommandations! :)
RépondreSupprimerClaudia > merci, j'espère que tu le liras! :)
J'arrive en retard pour lire ton billet. Je vois que nous sommes toutes sous le charme de ce roman, conquise par le destin de ces femmes ! J'ai moi aussi très envie de lire les autres romans de Anita Nair !
RépondreSupprimerManu > En effet, il a fait l'unanimité parmi nous!
RépondreSupprimerPOur moi une belle découverte aussi !
RépondreSupprimerFleur > encore une conquise donc!
RépondreSupprimer