La Havane au début des années 1990. David et Diego se rencontrent au Coppelia. David prend une glace au chocolat quand Diego choisit la fraise, rose. David est un étudiant, bon militant communiste qui glorifie la Révolution et la Patrie quand Diego est un homosexuel féru de culture qui glorifie la religion.
Deux Cubains qui n’ont rien à voir jusqu’à ce que Diego initie le jeune David non pas aux amours homosexuelles mais à la diversité de la culture cubaine : littérature, musique, danse, beaux-arts… Une très belle histoire d’amitié, de découverte, d’initiation et de tolérance !
J’ai aimé découvrir ce roman qui offre une lecture une histoire bien au-delà de ce qu’on pourrait en attendre de prime abord. Non pas une histoire d’amour mais une histoire d’amitié intellectuelle très forte « maintenant que nous sommes comme des frères » (p.37).
Le concept intéressé, raffiné, décalé voire mystique du dîner lezamien, pour célébrer l’oeuvre de Jose Lezama Lima et son roman Paradiso (en lecture commune dans le cadre du mois cubain) m’a interpelé et grandement plu !
De plus, un des grands attraits de ce roman est la peinture réaliste, pour ne pas dire réelle, de la réalité cubaine des années 1990. Cuba et son idéologie communiste si forte que les partisans, embrigadés, agissent pour une Patrie et une Révolution personnifiées et louées. Ils agissent tant qu’ils en surveillent leurs compatriotes. Cuba et ses lectures et fréquentations surveillées. La Cuba castriste et son aversion pour l’homosexualité.
Moi, premièrement : je suis pédé. Deuxièmement : je suis croyant. Troisièmement : j’ai eu des problèmes avec le système ; ils pensent qu’il n’y a pas de place pour moi dans ce pays, mais c’est faux, je suis né ici, je suis avant tout patriote et lézamien, et je ne partirai pas d’ici, même sous la torture. Quatrièmement : j’ai été fait prisonnier dans les camps de l’Umap. Cinquièmement : les voisins me surveillent, ils observent tous les gens qui me rendent visite. Tu tiens toujours à venir? (p.17)
Enfin cette Cuba post-révolutionnaire et ses exils forcés :
Je pars, sur le ton avec lequel l’avait dit Diego, a chez nous une connotation terrible. Cela veut dire que l’on quitte le pays pour toujours, que l’on s’efface de sa mémoire et qu’on l’efface de la sienne, et que, de bon gré ou non, on assume la condition de traître. On le sait depuis le début et on l’accepte parce que c’est inclus dans le prix du billet. Une fois qu’on l’a en main, on ne pourra convaincre personne qu’on ne l’a pas acheté avec joie. (pp.45-46)
Des lignes, un départ, un personnage qui ne sont pas sans rappeler Reinaldo Arenas mais aussi, en filigrane, le sort de beaucoup d’autres artistes, intellectuels, individus cultivés. C’est dur et triste : « À mesure que la date de son départ approchait (…) il semblait avoir perdu la couleur et la vie. » (p.51)
Diego est un personnage attachant : drôle, fin et durement affecté par son départ. Quant à David, il connaît, grâce à cette amitié, une vraie initiation. D’ailleurs, le titre original de cette nouvelle, El lobo, el bosque y el hombre nuevo révèle une symbolique intéressante : Diego est le loup des contres, celui qui représente le danger,qui guette David mais, aussi, la rencontre, l’apprentissage qui se concrétise avec le passage dans la forêt (en l’occurrence la Tanière, le domicile de Diego) qui permet au héros de grandir, de passer un cap, pour devenir un homme libre et sûr de lui.
Cette nouvelle me permet de contribuer, bien sûr, au mois cubain mais aussi à et à .
Enfin, un grand merci à Lamalie de me l’avoir gentiment prêté!
Fresa y chocolate – Senel Paz (1991)
Mille et une nuits – 63 pages - 2001
Ca a l'air très touchant et très beau ! J'essaierais de voir si ma bibliothèque a ça dans ses rayons !
RépondreSupprimerEiluned > oui, je te conseille de le découvrir! De plus il existe une adaptation cinématographique que j'ai commencé :)
RépondreSupprimerTu fais fort : trois challenges d'un coup !!! Et comme le dit Eiluned il m'a l'air très émouvant ce titre... La version ciné doit être sympa aussi... Je lis très peu de littérature cubaine (mais bon, on ne peut pas tout lire, il faut bien un moment ou un autre faire un choix !
RépondreSupprimerIl m'a l'air très intéressant ce livre. A la bibliothèque, ils ne l'ont qu'en espagnol. C'est pas gagné !
RépondreSupprimerL'or > oui il faut faire un choix mais j'aime ces mois thématiques! :)
RépondreSupprimerJackie > si tu comprends l'espagnol essaie ;)