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28 avril 2011

« Noir toscan » – Anna Luisa Pignatelli

Les paysans l’avaient pris en grippe, dès le début, dès qu’il était apparu dans le pays, pour la seule raison qu’il n’était pas d’ici. Venir d’ailleurs, parler autrement, étaient à leurs yeux des péchés mortels. En outre, il avait été le seul à vouloir louer la terre quand tus les autres se faisant métayers. (p.10)

Voici, dès les premières pages, l’accueil inhospitalier que vit Noir et la vision qui nous est offerte d’un coin de Toscane nommé Accona.

Noir, comme l’ont surnommé les gens du village « peut-être à cause de son caractère ombrageux, peut-être parce que, n’étant pas né sur cette terre, son passé leur échappait », arrive du sud de l’Italie et s’installe dans les terres arides et difficiles d’Accona. Il y arrive comme on s’installe dans un autre monde, un nouveau monde et il fera figure d’intrus, d’élément perturbateur d’un ordre figé.

De nombreuses années plus tard, alors qu’il a passé toute sa vie d’adulte à cultiver cette terre qu’il aime et à s’occuper de sa maison et son terrain, Rofanello, Noir est seul : sa femme est morte, son fils qui méprise cette terre est parti en ville et le fossé avec les villageois n’a cessé de se creuser. En effet, Noir subit l’ostracisme des gens du pays qui, pourtant, ne respectent pas cette terre ; finalement Noir est bien plus un homme de ce coin que ne le sont les habitants d’Accona :

Les gens d’ici maltraitaient la nature comme si elle pouvait tout supporter. Ils se vengeaient sur elle de leurs instincts violents, de leurs échecs, de leurs rancœurs accumulées. (p.21)

À la saison de la chasse, la paix de la forêt était violée par des gens qui y pénétraient en maîtres et par les cueilleurs de champignons. Ils ne lui prenaient tout ce qu’”ils pouvaient, ne laissant en échange que douilles, mégots et déchets de tout sorte que Noir ramassait après leur passage. (p.25)

Noir est aussi un solitaire qui n’est en accord qu’avec la Nature, les animaux et Nello, un jeune apprenti attachant qui vient l’aider à Rofanello et qui, d’une certaine manière, remplace le fils déserteur. Quand une louve erre non loin de chez lui il se prend d’affection pour elle, se sent liée à elle, surtout quand il apprend que les hommes du village veulent la tuer!

Quelle ode intense à la terre toscane et à la Nature en générale! Ce roman est l’évocation poétique d’un amour pur, d’une délicatesse incroyable, celle de Noir pour son environnement et la Nature dont il n’est qu’un humble et respectueux habitant :

Noir vivait en harmonie avec les animaux, comme s’il était pétri de la même argile (p.39)

Une fois rentré, il déversa les olives vertes et noires dans le dépôt (…) Et avant de fermer la porte, il leur lança un dernier regard, amoureux et incrédule (p.40)

Le buisson de romarin répandait autour du puits un parfum piquant qui se mêlait aux effluves douceâtres du jasmin (p.76)

Ce roman aux notes lyriques m’a fait penser à plusieurs reprises à certaines œuvres de Jean Giono. De nombreux passages m’ont émus, ont résonné en moi quand d’autres m’ont horrifiés, ceux évoquant la bêtise, la cruauté, la suffisance et la violence humaines incarnées par Spino, le braconnier détestable :

Dieu nous a donné la suprématie sur les animaux, la faculté d’employer à nos propres fins ceux  qui sont utiles et le pouvoir de supprimer les nuisibles. (pp.67-68)

Dès qu’il se sera un peu remis, on le traque avec les chiens et c’est là que la fête commence. C’est de cette façon-là qu’on s’amusera le plus. (p.72)

Un livre qui conte avec force un monde révolu en bien des lieux, un monde avec lequel il serait bon de renouer d’une certaine manière, une évocation puissante (à son paroxysme dans les dernières pages) du lien indéniable qui existe entre la nature, les animaux, les êtres humains.

Une très belle découverte (grâce à Kathel qui en a fait un livre-voyageur et que je remercie pour sa patience) qui me permet de contribuer avec bonheur aux challenges   et .

Noir toscanAnna Luisa Pignatelli

éditions La Différence– 123 pages - 2009