19 février 2011

« Dans les veines ce fleuve d’argent » – Dario Franceschini

Un matin, Primo, un homme de cinquante-soixante ans, décide de retrouver un ami d’enfance qui lui avait posé une question secrète à laquelle il n’avait jamais répondu. Ce voyage le ramène dans la région de son enfance, un lieu baigné, habité voire guidé par ce fleuve majestueux, vivant, changeant et prégnant qu’est le Pô.

Ce roman est d’une étrangeté poético-magique! Vraiment je ne saurais pas le définir autrement. J’ai perçu la quête de Primo non pas comme un voyage initiatique mais comme un voyage qu’il fait au-dessus de lui-même et de toute sa vie, me donnant presque l’impression qu’il était déjà dans un autre monde. Par exemple il se souvient du jour de sa naissance (!), croise un forain qui était déjà bien âgé quand Primo n’était qu’un enfant et fait un bout de route avec un homme lui contant, non pas comme une légende mais comme un fait,  l’histoire d’un village dans lequel les habitants se réveillent chaque matin sans savoir qui ils sont!

Quant à la poésie, elle est à chaque page, mêlée à des idées extraordinaires d’inventivité et de poésie :

Il avait toujours confondu le silence et le froid (…) Il avait commencé à comprendre et n’eut plus aucun doute lorsque sa mère lui parla de ce vieil oncle mort dans un étang, qui confondait depuis sa petite enfance l’obscurité et le froid et qui, pour ne pas en mourir, avait toujours dormi les volets ouverts, se réchauffant à la faible lumière de la nuit.  (pp.13-15)

ou bien encore :

Vois-tu, dit-il en chassant la poussière du dos d’un volume relié de cuir rouge, petit déjà, lorsque je restais éveillé toute la nuit à lire un livre, je ne supportais pas l’idée que les hommes et les femmes que je venais de voir doivent finir serrés et immobiles dans une bibliothèque. Je revois encore la sérénité de ces deux vieillards qui avaient cédé à l’amour après une longue vie d’attente. C’est là que le désordre a commencé. Arrivé au dernier mot du livre, je n’ai pas supporté l’idée qu’après s’être attendus aussi longtemps, Fernina et Florentino soient contrains de goûter le court bonheur su désiré qu’il leur restait à vivre écrasés entre les livres d”une étagère exiguë. Alors, je les ai laissés libres de s’aimer dans tous les lieux de la maison où leur livre s’est déplacé au cours des années. (pp.21-22)

Ça et là des éléments fantastiques, comme ces quelques signes, des yeux grands et sombres notamment, qui se répètent, tels des présages.

Et puis ce roman c’est une déclaration d’amour au Pô et à une époque, quelques décennies en arrière, où la vie des habitants était intimement liée à celle du fleuve qui est un personnage à part entière de cette histoire. Un fleuve auquel les personnages sont liés à vie car il coule dans leurs veines et ne les quitte jamais, même s’ils partent dans une autre région.

Nous la regardons chaque matin, nous la buvons, elle nous fait vitre, nous en rêvons la nuit. Notre monde est ici, entre les digues, et c’est là que nous voulons mourir. En dehors, c’est la terre des autres. (pp.99-100)

Malgré une dernière page trop explicative, trop explicite même, là où tout avait déjà était dit, ce court roman original, à l’ambiance si particulière d’une époque révolue au rythme lent, est une belle découverte .

Je remercie les éditions Gallimard (collection folio) et Babelio pour cette lecture qui entre dans le cadre du challenge de Nane.

giro in Italia

14 commentaires:

  1. Ah il est sorti en poche, c'est bien ça !
    J'avais adoré ce premier roman ! :)

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  2. Oui il est en poche! :) Je ne suis pas surprise que tu aies aimé! Tu l'as chroniqué?

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  3. j'ai peur que ce rythme lent me rebute un peu

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  4. Anne Sophie > non mais la narration et l'action avancent tout de même et c'est vraiment poétique!

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  5. Je veux le lire depuis un certain temps!

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  6. Si il est en poche, effectivement, il y a de fortes chances qu'il se retrouve assez vite dans ma PAL ; je note.
    Anne( De poche en poche)

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  7. Mirontaine et Anne > en effet, maintenant qu'il est en poche, lancez-vous! ^^

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  8. Je ne sais pas pourquoi mais les romans qui se passent en Italie ne m'attirent pas du tout.

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  9. Oui, chroniqué !
    Ici si tu veux le lire :
    http://leiloona.canalblog.com/archives/2008/08/14/10238451.html
    ;)

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  10. Manu > c'est dommage...

    Leiloona > Oui oui j'ai lu ça hier et j'ai laissé un commentaire ;)

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  11. Je n'en n'avais pas entendu parler. Huuum je suis très tentée. Et je pense qu'il pourrait beaucoup plaire à de mes amis aussi. Je note ! Merci !

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  12. Hathaway > Je suis contente qu'il t'attire tant! :)

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  13. et bien voilà, encore un livre ajouté à ma lal ... merci pour ce billet et la découverte qui va avec ! tout de même, il n'y a pas trop de lenteur ?

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  14. Nane > je suis contente que tu l'aies noté :) La lenteur est dans l'action mais le récit n'en souffre pas. C'est une belle lenteur poétique mais des choses se passent tout de même.

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