6 mars 2013

« Syngué Sabour » – Atiq Rahimi

J’ai entendu parler de ce roman pour la première fois chez Leiloona qui nous entretenait alors de ce court roman mais aussi de la sortie de l’adaptation cinématographique, réalisée par l’auteur lui-même. Peu après une belle âme ayant perçu mon intérêt pour ce roman me l’a offert… douce surprise !

Une jeune femme, afghane, veille son mari dans le coma, une balle logée dans la nuque. Elle et ses deux fillettes sont seules dans leur maison, à l’abri relatif des combats et tirs quotidiens. Au vacarme et à la peur suscités par la guerre ambiante s’opposent, dans une étrange juxtaposition, les lents déplacements des insectes, l’égrènement du chapelet par la jeune femme et les respirations, calmes et imperturbables, du mari qui, peu à peu, incarnera pour son épouse, malheureuse, humiliée, soumise, battue même, une syngué sabour.

La Syngué Sabour, cette « pierre de patience », est une pierre légendaire « devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs , toutes tes souffrances, toutes tes douleurs, toutes tes misères… à qui tu confies tout ce que tu as sur le cœur et que tu n’oses pas révéler aux autres (…) jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate » (p.79)

La jeune femme se permet donc d’enfin prendre la parole, timidement au début, plus crûment et hardiment à mesure que les combats s’intensifient et que cette situation, les soins à ce mari absent et l’angoisse de cette guerre, pèse sur ses épaules. À mesure qu’elle se confie se révèle la vie difficile et opprimante qu’elle connaît depuis son enfance et, en creux, l’existence de nombreuses femmes de par le monde. Toutefois, même quand elle ose s’énerver, crier, insulter, souvent elle s’excuse, se reprend, par la force de l’asservissement habituel.

Quant aux hommes, ils sont souvent absents et violents à la fois, bourreaux mais aussi, d’une certaine manière, violents car ignorants , comme exprimé dans le roman, ceux qui ne connaissent pas l’amour font la guerre… La seule exception parmi les figures masculines est le beau-père de la femme, une merveille de bienveillance et de sagesse considéré par sa propre épouse et ses fils comme un fou.

La femme révèle peu à peu les manières subtiles, silencieuses et ponctuelles qu’ont certaines femmes de se libérer un peu, en tout cas d’échapper au pire, à l’instar de sa tante.

L’éclatement annoncé de la pierre, quant à lui, est affreux, comme la seule issue possible…

Un propos fort pour une histoire ne relevant malheureusement pas de la fiction. Malgré tout, bien que touchée par le fait que ce soit un homme qui en soit l’auteur, je ne suis pas complètement conquise, non pas par le fond mais plutôt par la narration, long monologue brièvement entrecoupé d’indications. Je me rends bien compte que ce choix, quasi théâtral, sert le récit mais cela a suscité chez moi une certaine « distance »par moment , ou peut-être une étroitesse, une oppression… Cela n’a pourtant pas empêché que je sois touchée, émue, choquée parfois, mais avec une réserve.

Syngué Sabour – Atiq Rahimi – Folio (2010) – 138 pages

♥♥♥♥ (♥ un tout petit peu ♥♥ un peu ♥♥♥ intéressant mais… ♥♥♥♥ beaucoup ♥♥♥♥♥ passionnément ♥♥♥♥♥♥ à la folie, un must, j’adoooore !)

10 commentaires:

  1. Je comprends ta réserve. Ce n'est qu'à l'issue de ma deuxième lecture, alors que je connaissais déjà la forme, que j'ai pu me laisser envahir par le fond, une belle lame de fond.
    N'hésite pas à voir le film ! :)

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    1. Ah, je ne suis donc pas la seule... Pour le film, pas trop insoutenable?

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    2. Non, du tout ! Le huis (presque) clos aurait pu être étouffant, mais pas du tout !

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  2. Un texte pas facile à lire, mais le propos est courageux de la part d'un homme, je suis d'accord avec toi.

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  3. J'avais beaucoup aimé ce roman. Je me souviens des discussions pour interpréter la fin! Je n'ai pas vu le film. Dommage!

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    1. Oh oui, la fin m'a choquée mais j'y ai vu aussi plusieurs symboliques... Je t'envoie un mail ;)

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  4. J'ai prévu de le lire très très rapidement celui-ci ^^ on en reparlera peut-être ^^

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  5. ce texte aussi est à intégrer dans mon challenge francophone si tu en es d'accord

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  6. Je compte lire le livre après avoir le film que j'ai beaucoup aimé.
    Par contre dans le film il n'est pas fait mention du beau père ...
    Bon dimanche

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